Charle-Édouard D’Astous, vedette du hockey finlandais
L’entrevue avec Charle-Édouard D’Astous allait bon train. Puis, soudainement, une dame passe derrière lui, et lui dit quelque chose. D’Astous lui répond en anglais : «Thank you!»
«C’est ma voisine dans notre complexe d’appartements. Elle était à notre match hier, et elle vient de me dire que j’ai bien joué.»
Voici la nouvelle réalité de D’Astous. L’ancien défenseur de l’Océanic de Rimouski dispute présentement sa deuxième saison à Kouvola, une ville d’un peu plus de 80 000 habitants en Finlande, où il est devenu l’une des vedettes de son équipe, KooKoo. En fait, il est même parmi les meilleurs de la Liiga, la meilleure ligue de hockey du pays.
Le joueur âgé de 25 ans est actuellement le troisième meilleur pointeur chez les défenseurs de la Liiga finlandaise, avec 46 points en 54 matchs. Il n’est que trois points derrière le meneur, l’ancien des Jets de Winnipeg et des Canadiens de Montréal Sami Niku. Et au niveau des buts, c’est lui le meilleur chez les joueurs de sa position, avec 17.
Le défenseur a explosé par rapport à sa première saison avec KooKoo, en 2022-2023, alors qu’il avait obtenu 23 points en 46 duels.
«Ça se passe bien, a affirmé l’ancien de la LHJMQ. On dit souvent que la confiance est importante, et je pense que ça m’a aidé. L’an dernier, j’avais besoin d’ajustement, c’était mon premier séjour en Europe et tout était différent, autant la dimension de la glace que le système de jeu et la culture finlandaise. J’ai commencé la campagne avec trois points en 17 rencontres. J’ai explosé avec 23 lors des 39 suivants.
«Cette année, je savais beaucoup plus à quoi m’attendre. Je connaissais tout le monde, que ce soit l’organisation, les entraîneurs ou la ligue. C’est vraiment une question de confiance.»
Les principaux experts disent souvent que le style de jeu finlandais est bien différent de celui pratiqué en Amérique du Nord. Surtout pour D’Astous, qui a toujours été reconnu comme un défenseur à caractère offensif. À sa dernière saison pour l’Océanic, en 2018-2019, il avait d’ailleurs gagné le trophée Émile-Bouchard, remis au défenseur de l’année dans la LHJMQ, avec 66 points en 55 matchs. Il avait mené la ligue pour les aides (52), et les points.
«C’est surtout de savoir à quel moment tu dois attaquer, ou relancer l’attaque, a-t-il expliqué. En Amérique, les entraîneurs t’enseignent constamment de remettre la rondelle le plus vite possible aux attaquants, il faut aller vers l’avant.
«Ici, tu dois attendre, attendre et attendre en zone neutre. L’an dernier, lors de l’un de mes premiers matchs préparatoires, je me retournais immédiatement et j’effectuais une relance pour attaquer rapidement. Mais la semaine suivante, mon entraîneur des défenseurs me présentait des séquences vidéo en me disant : ‘’ici, on ne fait pas ça’’. Tu dois avoir de la vitesse pour attaquer à cinq, tous ensemble. Ça a été un ajustement, mais après 15 ou 20 rencontres, ça s’est mieux passé.»
Avec un autre Québécois
Parmi les autres gros défis que présentaient la vie finlandaise pour D’Astous, il y a le manque d’heures d’ensoleillement durant l’hiver, et la langue.
Mais sur ce dernier aspect, il se sent aussi plus à l’aise cette saison, pour une deuxième raison : un autre Québécois l’a rejoint à Kouvola, Benjamin Tardif.
Ce dernier compte cinq saisons dans la LHJMQ : cinq avec le Phoenix de Sherbrooke, avant de gagner le titre de sa ligue en 2020-2021, avec les Tigres de Victoriaville. Tardif est actuellement le neuvième pointeur de toute la Liiga, avec 50 points en 57 rencontres.
«J’ai également joué avec lui dans la ECHL (avec les Grizzlies de l’Utah, NDLR), a affirmé l’ancien de l’Océanic. Ça semble anodin, mais ça fait une grosse différence pour parler français. Nous pouvons partager ce que nous vivons, comme nos frustrations.
«Sur la glace, nous avons une belle chimie. Benjamin est davantage un passeur, et je suis un marqueur. Nous pouvons nous parler en français avant les mises au jeu, sans que personne ne comprenne. Ça peut parfois être un avantage.
«Ça vaut de l’or en tabarouette!»
Partir pour mieux revenir
Après sa saison 2018-2019 à Rimouski comme joueur de 20 ans, D’Astous a passé trois saisons dans les rangs professionnels. Il a joué 23 matchs dans la Ligue américaine, et 98 dans la ECHL. Mais à l’été 2022, même s’il n’avait que 24 ans, il est parti pour la Finlande.
Certains pourraient dire que le défenseur à caractère offensif a fait une croix sur son rêve de jouer dans la LNH. Mais c’est tout le contraire.
«J’ai maintenant 25 ans, a-t-il affirmé. Je suis encore jeune, et des joueurs de la Liiga signent des contrats de la LNH. Lorsque je suis parti, j’avais reçu des offres de contrat à un volet dans la Ligue américaine. Mais dans cette situation, c’est difficile de garder ta place. Les choix au repêchage passent devant toi, même si tu joues mieux qu’eux.
«Ici, je joue en moyenne environ 25 minutes par soir. Je suis le plus utilisé de la ligue au complet. C’est plaisant d’avoir de la stabilité et d’avoir un rôle dans l’équipe, c’est mieux que d’évoluer pendant 12 ou 13 minutes par soir. On me dit parfois que le calibre est moins bon en Europe, mais je suis sûr que les meilleures équipes de la Liiga seraient capables de gagner contre des adversaires de la LAH. Jori Lehtera et Leo Komarov évoluent à Helsinki ; ils ont tous les deux plus de 300 matchs d’expérience dans la LNH.»
Avec la saison qu’il connaît actuellement, D’Astous ne s’en cache pas : il aimerait pouvoir revenir en Amérique du Nord, et signer une entente avec une formation de la LNH pour la campagne 2024-2025.
«Je crois avoir le calibre pour jouer en Amérique du Nord. Si ça arrive, ça arrive. Sinon, j’ai une super belle carrière qui m’attend en Europe. Je suis là depuis deux ans, et ça se passe vraiment bien.»
Une école de vie
Le défenseur de 6 pieds 2 pouces a fait la fierté des gens de Rimouski pendant quatre campagnes. Originaire de l’endroit, il a joué pour l’équipe de son enfance, jusqu’à en devenir le capitaine en 2018-2019. Cette saison-là, il a d’ailleurs été nommé Joueur humanitaire de l’année dans la LCH.
Comment son parcours dans la LHJMQ, ainsi que la LCH, lui sert-il présentement en Europe?
«Parfois, les Finlandais s’informent afin de savoir à quoi ressemble le hockey junior, au Québec. Je leur dis que c’est comme la vie professionnelle, mais avec l’école. Ça t’apporte une discipline afin de faire les choses, que ce soit pour respecter les règlements d’équipe ou arriver à temps pour des réunions. C’est bon pour plus tard, dans ta vie de tous les jours.
«C’est cliché à dire, mais c’est une école de vie.»