John Paris Jr, paver la voie sans le vouloir
Premier entraîneur noir à diriger au niveau M18 AAA, dans la LCH et à remporter un championnat dans les rangs professionnels, John Paris Jr n’a jamais cherché le feu des projecteurs. C’est véritablement sa passion pour le hockey qui l’a amené à marquer l’histoire, malgré lui, et à ouvrir de nouveaux horizons à une nouvelle génération d’entraîneurs-chefs.
Depuis sa résidence au Texas, John Paris Jr a accepté avec plaisir de revenir sur son parcours dans le monde du hockey dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs. Né en Nouvelle-Écosse, mais ayant passé la majorité de son enfance dans la région de Sorel, le hockey a toujours fait partie de sa vie.
« Je me souviens encore de jouer à l’extérieur, en pleine tempête, vers l’âge de trois ans. On avait de la difficulté à avancer tellement il neigeait dehors! Aussitôt que mon père enlevait la neige, ça se remplissait. Le hockey ça a toujours fait partie de notre vie, de nos discussions de tous les jours », s’est-il souvenu le sourire au visage.
L’ancien athlète de 5’5’’ et 135 lbs aurait bien pu avoir une longue carrière si ça n’avait été d’une colite ulcéreuse et de la maladie de Crohn, combinées à un cancer. Scotty Bowman a même été rencontrer Paris Jr, alors âgé de 16 ans, pour l’inviter au camp des Canadiens Jr de Montréal, où il a côtoyé plusieurs légendes des glorieux telles que Serge Savard et Jacques Lemaire.
Quelques années plus tard, après huit parties professionnelles avec les Knights de Knoxville de la défunte Eastern Hockey League, la maladie a eu raison de sa carrière de joueur.
« J’ai toujours eu en tête de trouver des solutions », a-t-il mentionné. « C’est la façon dont mes parents m’ont élevé. Si une porte se ferme, une autre va s’ouvrir. Pour moi, ça a été le coaching et le recrutement. »
C’est ainsi qu’en 1968 a débuté sa carrière d’entraîneur à Saint-Joseph-de-Sorel, alors que Charlemagne Peloquin l’a approché pour diriger les différentes catégories du hockey mineur de la région.
« Je me souviens que je lui ai dit qu’il n’y avait aucun entraîneur noir. Il m’a répondu, je cherche un entraîneur. J’ai alors tout compris », explique Paris Jr.
Si le racisme n’était pas présent à Sorel, la situation était bien différente lorsque son équipe partait en tournoi.
« Il y aura toujours un petit groupe dans la société qui ne changera jamais. Malheureusement, ça fait partie du sport. Moi, c’était ma couleur, pour un autre ça aurait pu être sa grandeur. Mes joueurs francophones y goûtaient lorsqu’on était dans des villes majoritairement anglophones », a expliqué celui qui reviendra bientôt habiter dans la région de Sorel.
« Je me suis dit que si ces gens n’avaient rien de mieux pour m’atteindre et que si je ne me faisais pas cracher ou atteindre physiquement, je n’avais pas de temps à perdre avec eux. Les perdants, c’étaient ces gens au final. Lorsque ton plus gros combat, c’est ta santé et de te battre pour survivre, ce ne sont pas des mots qui vont te déranger. »
En 1985-1986, Paris Jr a fait le saut dans le M18 AAA avec les Riverains du Richelieu, qu’il a menés aux grands honneurs de la Coupe Air Canada l’année suivante dans ce qui était la meilleure ligue AAA au monde selon le principal intéressé.
« Ce n’était pas seulement moi, j’étais bien entouré. J’avais des amis comme Doris Labonté et David Leblanc qui m’ont aidé à recruter de bons joueurs. On a couvert toutes les bases, que ce soit en faisant appel à Sylvain Guimond pour l’étude biomécanique des joueurs, ou encore en engageant des entraîneuses de balais jazz et de patinage artistique. Nous avions plusieurs statisticiens et on regardait les vidéos des parties », a mentionné l’entraîneur qui était déjà avant-gardiste par ses méthodes de travail.
La saison suivante, il est engagé par les Draveurs de Trois-Rivières, devenant ainsi la première personne de couleur à diriger dans le circuit Courteau.
« La LHJMQ n’a jamais fait de publicité autour de cela. J’ai toujours apprécié que Gilles Courteau me considère comme un entraîneur comme les autres », mentionne Paris Jr. « Comme tous les entraîneurs du circuit, j’ai dû gravir les échelons pour me rendre à ce point. J’ai toujours voulu être engagé pour mes compétences. »
Les trois saisons suivantes, c’est à la barre des Bisons de Granby que sa carrière s’est poursuivie. Puis, en 1993-1994, les Lynx de St-Jean ont engagé John Paris Jr comme entraîneur-chef et directeur général, mais les choses ont pris une autre tournure alors que l’organisation des Knights d’Atlanta, de la défunte Ligue Internationale de Hockey, l’a contacté en plein milieu de saison pour diriger son équipe de roller-hockey.
« Lorsque j’ai annoncé [aux Lynx] que j’avais une offre pour aller chez les professionnels, tout le monde était excité », se rappelle-t-il. « Jean Béliveau m’a dit que je devais y aller, que j’avais toujours été le premier partout où j’étais passé, et que ça ne serait pas différent. Tout le monde me disait d’y aller, ce que j’ai fait. »
Une fois derrière le banc de l’équipe de roller-hockey professionnelle des Knights, c’est aux côtés de plusieurs anciens joueurs qu’il avait dirigés au niveau U18 AAA ou junior majeur que John a utilisé ses apprentissages des 25 années précédentes pour mener sa formation vers une conquête de la Coupe Turner.
John Paris Jr n’a jamais atteint la Ligue nationale de hockey, mais alors que plusieurs y rêvent, évoluer dans le circuit Bettman n’a jamais été son objectif.
« Tant que j’avais la santé, j’ai toujours été heureux de voir des jeunes progresser. Ça a été ma bucket list. Ça n’a jamais été une question financière, ça a toujours été une question de passion », a laissé tomber celui qui est toujours très à jour, malgré ses 75 ans, et qui s’est toujours inspiré des grands entraîneurs tels que Bill Walsh (football), Bobby Cox (baseball) and Dennis Wilkins (basketball).
Après une autre saison avec Atlanta, Paris Jr a dirigé trois saisons avec le Whoope de Macon, dans la Ligue Centrale. Son parcours l’a mené aux quatre coins de l’Amérique du Nord dans les 20 années suivantes, son désir d’être à jour et de développer la prochaine génération de hockeyeurs guidant chaque fois ses choix. Son expertise l’amène aujourd’hui à être consultant pour certains joueurs professionnels qui rencontrent des problèmes au plan hockey.
Le parcours de John Paris Jr aura pavé la voie aux entraîneurs de couleur, qui aujourd’hui se retrouvent dans un contexte beaucoup plus facile pour faire leur place dans le monde du hockey.
« Aujourd’hui, le problème, c’est qu’on met trop d’importance sur la couleur. J’aimerais qu’il y ait plus d’éducation sur la préparation et les besoins pour devenir entraîneur. La couleur, c’est secondaire. »
« J’ai toujours dit que j’étais entraîneur par choix et que j’avais la peau noire par nature. Tu ne changeras pas les partisans dans les gradins qui sont ignorants. Ce qui est important à se demander, c’est quelle bataille en vaut la peine », a affirmé celui qui a pu compter sur le support de Maurice Richard, Scotty Bowman, Jean Béliveau, Réjean Houle et de son bon ami André Ruel à travers ses années comme entraîneur.
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