L’exception scolaire de Vincent Murray : une leçon de détermination
Vincent Murray n’a que 18 ans, mais il a déjà un beau dossier à sa feuille de route.
Ça comprend notamment les conquêtes du trophée Gilles-Courteau de la Coupe Memorial, avec les Remparts de Québec, en 2022-2023. Il se trouve maintenant avec l’Océanic de Rimouski, hôte de la prochaine Coupe Memorial.
Mais il a réussi un exploit tout aussi impressionnant hors de la glace.
Murray est devenu le premier étudiant de l’histoire du Centre de formation professionnelle Vision 20 20 de Victoriaville à mener une Reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) en réfrigération, alors qu’il travaille pour une entreprise de Rimouski. Une situation qui semblait d’abord impossible, s’est ensuite réalisée grâce à un peu de chance et d’aide, mais surtout beaucoup de volonté et de travail.
Une exception
Un RAC est une démarche suivie auprès d’une formation générale aux adultes ou d’un Centre de formation professionnelle (CFP), qui vise à faire reconnaître des compétences acquises à l’extérieur de l’école, comme dans une entreprise, pour l’obtention d’un diplôme.
« Normalement, c’est un travailleur non-qualifié qui a besoin de faire reconnaître ses heures de travail et qui revient à l’école, avec un service aux entreprises, afin d’avoir le diplôme », explique l’enseignant en réfrifération de Murray au CFP Vision 20 20, Maxime Boisvert. « Je ne l’aurais pas fait avec n’importe qui. »
Ajoutez que le CFP Vision 20 20 a la particularité d’être l’un des seuls centres au Québec à offrir un encadrement individualisé, et ça semble encore plus impossible d’étudier dans un tel cours situé à plus de 400 km de Rimouski.
C’est là que la belle histoire commence.
La saison dernière, Vincent Murray a décidé de quitter les Remparts afin d’entamer une formation en réfrigération au CFP Vision 20 20. À ce moment-là, il semblait avoir fait une croix sur sa carrière dans la LHJMQ.
Le défenseur originaire de Gatineau s’est aussitôt forgé une belle relation avec les autres élèves et avec M. Boisvert.
« J’aime parler de tout et de rien avec mes élèves, raconte Boisvert. Nous avons bâti rapidement une bonne relation, étant donné que nous aimions tous les deux le golf. Il est super préparé, ça paraît qu’il a toujours fait du sport. Il est très responsable. »
En janvier 2024, l’Océanic fait l’acquisition de Murray dans une transaction. S’ennuyant du hockey, ce dernier décide à l’été de revenir dans la LHJMQ, et de jouer à Rimouski. Il met alors son cours en réfrigération sur pause.
« Je lui ai répondu que ce n’était pas grave, qu’il pouvait revenir après sa carrière de hockeyeur », explique l’enseignant.
Coup du hasard
Tel que le stipule la Politique scolaire de la LHJMQ, tout joueur doit absolument suivre un programme d’études. Le défenseur de l’Océanic s’est donc inscrit au Cégep, mais sans trop de motivation.
« Je n’aimais pas le Cégep, j’avais l’impression de perdre mon temps. Ce n’est pas ce que je voulais faire », explique-t-il.
Par pur hasard, Murray jase avec l’un de ses coéquipiers chez l’Océanic, Anthony Paré. Le beau-père de ce dernier, René Côté, est justement propriétaire de Réfrigération Air C. Paré. Il a donc mis les deux hommes en contact.
« Je ne le connaissais pas du tout, raconte M. Côté. Il m’a fait part de son problème, et je lui ai demandé de me mettre en contact avec son enseignant. »
« Le propriétaire de l’entreprise m’a mis la puce à l’oreille, ajoute M. Boisvert. Il m’a lancé : ”dites-moi ce que je dois lui apprendre, et je le ferai”. J’ai pris la balle au bond, mais je ne savais pas trop quoi faire. Je suis donc allé voir Sarah-Danielle, qui connaît la poutine. »
Sarah-Danielle Dupont est Directrice adjointe au CFP Vision 20 20. C’est elle qui est arrivée avec l’idée du RAC. Les gens de l’établissement ont été charmés par Vincent Murray, et voulaient tout faire afin de l’aider.
« J’ai soumis l’idée à Jean-François [Guay, conseiller pédagogique de l’Océanic], qui a trouvé l’idée bonne. Sarah-Danielle s’est occupée du reste, et la LHJMQ a approuvé tout ça. C’est un partenariat. C’est sûr que l’entreprise ne pourra pas lui enseigner certaines choses, mais, en même temps, Vincent prend de l’expérience. C’est comme un RAC, mais à l’envers.
« Cependant, c’est Vincent qui a mis les pions en place. Il a vu les possibilités qui lui étaient proposées, et il a fait son bout de chemin afin de poursuivre ses études sans perdre son temps au Cégep. »
« Je ne vois pas le temps passer »
Le numéro 8 de l’Océanic a commencé son RAC chez Réfrigération Air C au mois de novembre. Ses tâches sont assez variées : il peut autant réparer des thermopompes résidentielles, qu’intervenir dans des arénas, ou dans des usines de pâtes et papiers.
Joint par téléphone pour nous accorder une entrevue, la joie dans sa voix est évidente lorsqu’il parle de son nouveau quotidien.
« Ça se passe vraiment bien, je ne vois pas le temps passer, mentionne-t-il. Je voulais travailler manuellement, il fallait que je bouge. J’aime rencontrer des problèmes, de voir si telle solution fonctionne, et de finalement régler la situation.
« Mes journées se terminent plus tard, mais ce n’est vraiment pas difficile pour moi. C’est plus facile que le Cégep, parce que j’aime ce que je fais. »
Pour sa part, M. Côté se dit vraiment impressionné par le sérieux et le professionnalisme du défenseur de l’Océanic.
« Je suis vraiment content, je n’ai que du bon à dire sur lui, a-t-il souligné. Vincent me donne toujours son horaire d’avance, il est à son affaire. Il met les efforts, et il est minutieux. Tous les employeurs rêvent d’avoir des jeunes comme ça. »
Le joueur de 18 ans a trouvé le meilleur des deux mondes. Il estime que cette décision l’a également aidé sur la glace, avec l’Océanic.
« Je crois que je joue mieux, avoue-t-il. J’aime dire que mes journées sont séparées en deux : le matin, avec le hockey, et l’après-midi, avec l’école. Le matin, ça se passait bien, mais l’après-midi, j’avais moins de plaisir. Lorsque j’étais au Cégep, je ne pensais que penser, penser et penser. Maintenant, sur une semaine complète, je ne pense pas au hockey pendant l’après-midi. Ça a un gros impact sur mon moral. »
Un avenir rose
D’ici la fin de son parcours dans la LHJMQ, Murray se concentrera sur son cours en réfrigération. Mais il est déjà permis de penser à ce qui arrivera lorsqu’il sera prêt à avoir un ”vrai travail”.
« J’engagerais ce jeune-là n’importe quand, lance M. Boisvert. Il peut même venir enseigner avec moi! »
M. Côté, lui, aimerait bien qu’il s’établisse à Rimouski afin de le garder au sein de son entreprise.
« Ça nous ferait également une meilleure équipe de hockey, pour nos tournois d’entreprise! », ajoute-t-il en riant.
Le message est lancé.